Mercredi 26 Février 2020
Pierre-Joseph Proudhon : l'anarchisme sans le désordre
Connus pour sa citation « la propriété, c’est le vol », Pierre-Joseph Proudhon et sa pensée ne sauraient être réduits à cette phrase polémique. Théoricien politique, journaliste et député, sa renommée a été, au cours du XXe siècle, éclipsée par celle de son frère-ennemi Karl Marx. Toutefois, ses idées continuent d’influencer notre manière de penser l’insurrection, le fédéralisme ou encore le pouvoir citoyen.
Niveau débutant : l’anarchie positive
L’État, le capital et la religion, trois instances jugées par Proudhon comme liberticides pour l’homme, et dont il ne cessera de faire une virulente critique à travers ses différents écrits. Auréolé à titre posthume du surnom de « père de l’anarchisme », sa thèse est pourtant dépourvue de l’appel au désordre. Partisan de la révolution, il appelle les ouvriers à se soulever contre l’État capitaliste, sans recourir à la violence. Si les « institutions bourgeoises » doivent être renversées, un vide politique ne peut être laissé. Pour le théoricien, le pouvoir ne doit plus être centralisé mais remplacé par un fédéralisme autogestionnaire. La pyramide du pouvoir est inversée : les initiatives appartiendront désormais au peuple, qui déléguera les responsabilités à l’entité compétente la plus proche (par exemple la commune). L’État reste présent mais dans un rôle strictement limité de contrepoids, il est uniquement le garant de l’« anarchie ».
Niveau intermédiaire : « La propriété, c’est le vol »
Cette citation inoxydable ne peut résumer à elle seule la pensée complexe de Proudhon sur le sujet. Loin d’être un abolitionniste total, le Bisontin différencie la propriété capitaliste de ce qu’il nomme « la possession ». Dans son pamphlet Qu’est-ce que la propriété ?, l’auteur fustige son injuste distribution. Pouvant s’acquérir, s’échanger ou disparaître, elle n’est en aucun cas un droit naturel. Issue de l’appropriation par un individu d’un travail en commun, elle enrichit les propriétaires selon une logique d’accumulation du capital tout en appauvrissant les ouvriers. Dans Système des contradictions économiques ou Philosophie de la misère, Proudhon nuance ses propos. S’opposant à Karl Marx, il dénonce la collectivisation des moyens de production qui transfère la propriété à l’État. Éloigné du système capitaliste (où seulement quelques-uns sont propriétaires) et du communisme (où personne ne l’est), il propose une troisième voie : le mutuellisme. Ici, les ouvriers sont réunis dans des coopératives et possèdent de manière indivise les terres et machines nécessaires à leur travail.
Niveau expert : la Banque du Peuple
En 1848, sous l’impulsion des libéraux et des républicains, une partie du peuple de Paris se soulève, contraignant Louis-Philippe à abdiquer. La révolution de Février va alors propulser Proudhon sur le devant de la scène publique. Il profite de cette notoriété pour créer La Banque du Peuple, un système bancaire mutuelliste qui n’existera que quelques semaines. En son sein, les travailleurs se prêtent mutuellement les capitaux, permettant ainsi au peuple de devenir son propre banquier sans avoir à recourir à l’État. Théorisant avant l’heure le crédit à taux zéro, les capitaux sont mis gratuitement à disposition de tous. Débarrassés du désir de spéculation, les différentes classes sociales fusionnent. Des bons de consommation sont édités permettant à tous les sociétaires et adhérents de payer à vue les produits, services et marchandises. En supprimant le numéraire, Proudhon anticipe le développement de la monnaie scripturale comme nous la connaissons aujourd’hui. Inspirée de ses idées, nous pouvons également voir dans ce projet l’esquisse du système des mutuelles actuelles ou encore des monnaies locales.
BIOGRAPHIE
15 janvier 1809 : Naissance à Besançon d’un père tonnelier et d’une mère cuisinière, il sera marqué toute sa vie par le milieu ouvrier dans lequel il évolue.
1840 : Son premier ouvrage Qu’est-ce que la propriété ? connaît un large écho en France et à l’étranger.
1846 : Publication de Système des contradictions économiques ou Philosophie de la misère, qui signe son opposition idéologique avec Karl Marx.
1848 : Il participe à la Révolution et est élu député socialiste de la Constituante.
1849 : Fer de lance de la réforme du crédit, il échoue à mettre en place « La Banque du Peuple ». Il publie la même année Les Confessions d’un révolutionnaire.
1849-1852 : Il est incarcéré pour offense au Président de la République.
1858 : Suite à la publication de son livre Nouveaux Principes de philosophie pratique, il est contraint à l’exil en Belgique.
1860 : Amnistié, il revient en France. Il se radicalise dans ses thèses anarchistes.
19 janvier 1865 : Il meurt à Paris. À titre posthume sera publié De la Capacité politique des classes ouvrières.
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