Vendredi 17 Avril 2020
Coup de cœur : Unorthodox sur Netflix

La mini-série Netflix suit le parcours d’Esty, une jeune femme qui fuit sa communauté hassidique orthodoxe à New-York pour se rendre à Berlin. C’est une histoire d’évasion aux airs de thriller. Une histoire d’émancipation, aussi. Et on vous la recommande chaudement.
Avec seulement quelques billets en poche, Esty (personnage brillamment interprété par Shira Hass) profite d’une fête religieuse pour se faire la malle, direction Berlin. C’est ainsi que commence notre plongée dans la vie intérieure de la jeune femme, qui se révèle être un double parcours initiatique : celui qui nous fait découvrir, par les flashbacks, la culture juive hassidique et ses traditions pour le moins déroutantes, et celui où la liberté s’apprivoise lentement.
(Ici commence le divulgâchis)
Certains pourront reprocher à cette série de déborder de bons sentiments. Et ils n’auront pas tout à fait tort : la mère d’Esty (supposée l’avoir abandonnée), se révèle aimante, et il n’a fallu que quelques secondes à la jeune femme pour s’entourer d’amis formidables. Sans parler du conservatoire de musique (Esty se rêve pianiste), qui lui ouvre les bras sans vraiment poser de questions. Mais cet aspect de la série ne doit pas porter préjudice au reste de son propos, car il permet aussi de créer un contraste intéressant. Il faut aussi garder en tête que la série, quoiqu’inspirée des mémoires de Deborah Feldman, est une fiction écrite par Anna Winger et Alexa Karolinski.
Un regard sans concession sur la condition féminine et le carcan religieux
Au fil des flashbacks et à mesure que l’on découvre les traditions juives hassidiques, on s’immerge dans le quotidien d’Esty, qui a jusqu’ici vécu sa vie dans le strict respect de la religion. Son vœu le plus cher : se marier puis avoir un enfant. C’est ainsi que nous découvrons le personnage de Yanky, qu’elle épouse après seulement une rencontre, arrangée bien entendu. Mais les premières joies de la vie maritale laissent vite la place à de cruelles désillusions.
En tant que spectateur, on ne peut que s’indigner du traitement réservé aux femmes dans cette communauté : elles sont là pour enfanter (dans des conditions proches du viol conjugal), s’occuper de leur mari, bref, n’ont à peu près aucun droit, même pas celui de lire les textes sacrés. La série a l’intelligence de ne pas cantonner le personnage du mari d’Esty dans un rôle de tyran aveugle. On y découvre un homme naïf, lui aussi contraint et oppressé par les règles insoutenables de cette communauté.
Lorsqu’il réalise que sa femme a disparu, il se lance à sa poursuite accompagné de son cousin, véritable incarnation de l’hypocrisie de certains croyants. Lui qui juge durement la fuite d’Esty s’adonne sans vergogne à des activités pas très catholiques, enfin, juives orthodoxes.
L’allégorie de la caverne revisitée
La série pose la question suivante : comment se débarrasser du prisme religieux qui a régi toute une vie pour se redéfinir dans un monde nouveau ? Et c’est là que la performance de Shira Hass est impressionnante. Derrière son apparente naïveté se cachent des questions existentielles, derrière sa frêle silhouette, une force insoupçonnée. Car faire le choix de partir et de s’affranchir des carcans, c’est devenir maître de son destin et l’esclave de ce bon vieux libre arbitre. Il lui faut désormais choisir. De croire ou de ne pas croire, de pécher ou de ne pas pécher, bref, de réévaluer tout ce qu’elle considérait jadis comme immuable. Une nouvelle manière de voir les choses qui se concrétise à l’écran par ses premiers mots tapés dans Google, lorsqu’elle découvre internet : y a-t-il un Dieu ?
Partagez cet article