Culture G : Alan Turing, l'homme qui brisait les codes

Vous n’aimez pas les mathématiques ? Soyez honnêtes, sauf éventuellement pour compter, vous doutez fortement de leur utilité pratique. Attention ! Cela risque bien de changer grâce à Alan Turing. Ce génie de l’informatique, déchu à cause de son homosexualité, est décédé dans des conditions mystérieuses, laissant à côté de son corps une pomme entamée recouverte de cyanure.

1. Niveau débutant
Le décryptage de la machine Enigma

En 1942, la Seconde Guerre mondiale entre dans sa troisième année. Maîtres des mers avec leurs redoutables U-boot, les Allemands dominent le conflit. Dans la campagne anglaise, loin des bombardements de Londres, une équipe de mathématiciens, linguistes et joueurs d’échecs tentent de percer le secret de la machine Enigma. Conçue pour un usage civil, cette caisse en bois permet d’envoyer des messages cryptés. Conscients de l’enjeu crucial des renseignements, les nazis l’utilisent pour communiquer clandestinement entre sous-marins et commandants à terre. Le principe est simple : à chaque fois qu’une lettre est frappée, un mécanisme substitue la touche à une autre.

Réversible, la machine de réception n’a qu’à retaper le message pour le voir apparaître lisiblement. Avec plusieurs milliards de combinaisons possibles, l’Enigma est considérée comme inviolable. D’autant plus que chaque soir, à minuit, elle est réinitialisée. Alan Turing améliore la technologie permettant de casser le code (aussi appelée « bombes machines »), en se basant sur les formules de politesse de début de message (Herr Kommandant) et les indications météorologiques pour décoder l’alphabet. Selon plusieurs historiens, sans cette contribution, le débarquement de 1944 n’aurait pas pu avoir lieu.

2. Niveau intermédiaire
La naissance du premier ordinateur programmable

Encore étudiant, Alan Turing résout le problème de Hilbert qui pose la probabilité pour une proposition mathématique d’être validée comme vraie ou fasse par un algorithme. Cela vous semble obscur ? Alors retenez que dans son article Computable Numbers with an Application to the Entscheidungsproblem, paru en 1936, il conçoit une machine à calculer « universelle » révolutionnaire. Cette machine de Turing pose le concept de programmation, de mémoire et d’entrée. Autre innovation, cet automate génère ses propres interactions sans qu’il y ait besoin d’une intervention humaine. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le premier exemple concret de machine de Turing voit le jour. Baptisé Colossus, cet imposant engin de la taille d’une pièce, était capable de résoudre rapidement des calculs très restreints nécessaires aux opérations de décryptage. Son principe de fonctionnement est toujours utilisé par nos ordinateurs.

3. Niveau expert
Les prémices de l'intelligence artificielle

Imaginé en 1950, le test de Turing permet de vérifier la capacité d’une machine à faire preuve de signes d’intelligence humaine. Comment ? Un évaluateur engage une conversation textuelle entre un humain et un appareil. Si au bout de cinq minutes, il ne parvient pas à distinguer qui est qui, la machine passe l’épreuve avec succès. Inspiré de l’Imitation Game, jeu britannique dans lequel un homme et une femme, dissimulés derrière un rideau, doivent se faire passer l’un pour l’autre. Le test de Turing fut aussi critiqué qu’influent. Présentée dans l’article Computing Machinery and Intelligence, cette expérimentation n’a été popularisée que deux ans après la mort de son inventeur. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des textes fondateurs de l’intelligence artificielle. De nombreux hommages postumes lui ont été rendus. La légende dit même que le logo d’Apple (une pomme croquée aux couleurs de l’arc-en-ciel) trouverait son origine dans la mort du mathématicien.