Jeudi 06 Juin 2019
Maxime Gasteuil : "Le nerf de la guerre, c'est la passion"
Dans quel domaine tu étudiais avant de partir à Paris pour te lancer en tant qu’humoriste ? Tu écrivais déjà des sketchs à ce moment là ?
J'ai fait un BTS NRC. T'as l'impression que tu vas faire chimiste, en fait tu vas vendre des lave-linges chez Darty. C'est de la négociation client quoi. J'étais en alternance, donc j'ai tout de suite pris le goût du travail et j'ai adoré bosser. C'est aussi ce qui construit le spectacle que je joue, je parle de toutes ces étapes avant d'arriver à Paris et avant de faire ce métier-là. Je n’écrivais pas encore, mais je faisais des rencontres, j'observais et je gardais pas mal de choses en tête.
Ça ressemblait à quoi ton quotidien quand t'as débarqué à Paris ?
J'me suis décidé à partir en 2012. Une fois arrivé sur place, je n’avais pas vraiment de plans. J'ai d'abord pris des cours de théâtre puis j'ai joué dans mes premiers café théâtres. Au début bien sûr tu ne gagnes rien. Tu les remplis facilement parce que les gens ne paient pas, enfin ils paient au chapeau, donc ça veut dire tickets resto, tickets de métro, 20 cts... Mais bon c'est comme ça qu'on apprend le métier, à improviser et jouer sans textes, parce que souvent les gens n'écoutent pas et s'en branlent totalement. Parallèlement, je bossais pas mal pour mon cousin, je faisais tout et n'importe quoi (coli postage, préparations de commande...).
As-tu eu des périodes de doute lors de tes débuts ?
Ouais, j'ai failli arrêter y'a deux ou trois ans, j'en parle dans le spectacle. J'ai appelé mon père, j'étais très mal, entre le suicide et la dépression... En fait, tu quittes une vie plutôt agréable de province, d'étudiant à la cool... J'avais mon appart en coloc, j'gagnais un peu de ronds vu que je travaillais, je sortais... Mais bon quoi qu'il arrive, il aurait fallu que j'affronte la vie tôt ou tard. Que ce soit vendeur de bagnoles, garagiste ou humoriste, à un moment donné il faut rentrer dans le dur. Mais ce métier, je ne le pensais pas aussi compliqué. Faut être patient et le faire avec envie surtout, parce que si tu ne vois que l'argent au bout, autant arrêter tout de suite. Le nerf de la guerre, c'est la passion. En riant, les gens nous font du bien et c'est notre drogue journalière.
Ton premier tremplin a été le Jamel Comedy Club. Comment ça s'est passé ?
Apparemment, il avait entendu parler de moi dans le premier petit théâtre dans lequel j'avais commencé à jouer à Pigalle. Je m'étais renseigné et je savais qu'il y avait des tremplins d'humour au Jamel Comedy club tous les mercredis soir. On est 5 ou 6, on passe 5 minutes chacun, et parfois il vient. Et à force de passer sur scène, ils m'ont proposé d'intégrer la troupe et de passer sur canal +. Un bonheur. J'avais réussi à me démarquer notamment par un sketch un peu violent sur l'épilation, j'avais un peu peur au début mais au final ça m'a bien servi.
T'as ensuite enchaîné en faisant les premières parties de Gad et Kev, c'est ce qui t'a véritablement propulsé ? Comment t'as géré la pression ?
Oui, ils m'ont permis de faire la France entière en première partie de zénith, deux ou trois soirs par semaine. Ça a duré 6 mois, je passais environ 20 minutes sur scène. J'ai fait Bercy trois fois. Assez hallucinant... Plus il y a de gens, plus j'aime ça. Et puis, il y a aussi le fait que les gens viennent pour Kev et Gad, ils ne m’attendent pas, on ne leur a pas imposé un truc, c'est à moi d'aller les convaincre et de les surprendre. Je suis redevable à vie de ces deux mecs qui sont aussi talentueux sur scène que dans la vie.
Et ton rapport à la célébrité ? On te reconnait souvent dans la rue ?
Oui on me reconnait de plus en plus. En partie, on a voulu faire ce métier aussi pour ça. On a choisi de se montrer alors à un moment donné... Je travaille beaucoup et quand je sors c'est souvent en famille dans des endroits où c'est pas du tout people. Je suis beaucoup à la campagne à St Emillion à me rouler dans l'herbe donc là-bas à part les vaches, y'a pas grand monde qui me reconnait.
Tu as commencé par la scène mais tu es également assez présent sur le web (réseaux sociaux et chaîne Youtube). Ça représente quoi ces plateformes pour toi ?
Même si j'ai une chaîne qui fonctionne, je n'ai pas vraiment accroché avec Youtube. Le média que j'adore c'est Instagram. Ça permet une vraie proximité avec les gens. Tu peux interagir avec eux et transformer le virtuel en réel. Et puis c'est un peu la vitrine qui leur donne envie de voir le show. En plus, comme j'ai commencé par la scène justement, le spectacle est beaucoup plus efficace que les vidéos donc les gens sont souvent agréablement surpris quand ils viennent me voir. Au-delà de la proximité évidemment, c'est aussi une façon de capter plus d'audience. J’adorerais faire un inédit pour Netflix. Faut vivre avec ces plateformes nouvelles que les gens consomment de plus en plus. Ce qu'il y 'a de bien, c'est qu'ils ne se lassent pas pour autant de venir nous voir jouer sur scène.
On t'a vu dans des sketchs aux côtés de Verino et Arthus. Tous deux se sont fait connaitre via l'émission de Ruquier On ne demande qu'à en rire. Ça t'aurait plu de passer dans cette émission ?
J'ai beaucoup hésité jusqu'au moment où l'émission a été arrêtée. J'étais allé une fois sur le plateau, j'avais rencontré le directeur artistique qui m'avait proposé de venir etc... Puis j'ai eu d'abord l'égo de me dire "attends je vais pas me faire noter comme ça, j'en ai rien à branler" et quand je me suis dit "allez ça peut propulser le truc quoi", c'était trop tard. Mais j'fais confiance au destin parce que j'ai réussi autrement et c'était sûrement le bon chemin pour moi.
L’écriture de sketchs à thème comme dans ONDAR, c’est quelque chose qui t’intéresse ?
Oui ça peut être cool, après le côté concours d'humour ne m'intéresse pas vraiment, je serais plutôt chaud à faire des chroniques à la télé un peu déguisé, comme pouvait le faire Florence Foresti par exemple. Dans mon spectacle, en revanche, je joue des sketchs dans lesquels j'interprète des personnages. C'est un peu un hybride entre stand up et sketchs, mais y'a un vrai fil conducteur. Je ne passe pas du coq à l'âne, j'essaie de suivre une trame cohérente.
Et il parait que tu aimerais te lancer dans le cinéma ?
Oui vraiment. J’ai déjà eu une expérience cinématographique l'année dernière où j'ai tourné dans trois films. J'ai hâte de recommencer parce que j'ai un agent de casting qui me met sur plein de trucs cool. Pour le moment, on m'appelle pour des comédies mais mon rêve c'est de jouer dans des trucs comme Braquo tu vois... Jouer un Gitan avec une kalachnikov ou un flic ripou, ça me plairait bien !
On est un magazine étudiant, est-ce que t’aurais un conseil pour un jeune de province qui voudrait se lancer ?
Carrément, via mon producteur en fait... Il organise un festival depuis 5 ans qui s'appelle le "Campus Comedy Tour". Il va dans tous les campus étudiants de France et fait venir des humoristes avec les sous du BDE pour qu'ils jouent devant les étudiants en amphi, le soir. Et à côté de ça, il demande aux étudiants qui le souhaitent d'écrire des sketchs. Tout le monde peut participer, y'a une espèce de concours français dans tous les campus étudiants et seulement quatre sont retenus. Il y a ensuite une soirée de gala en fin de tournée, où l'étudiant le plus drôle de France se fait élire et gagne une année de scolarité, en plus d'une certaine visibilité.
Donc vous pouvez passer par là, comme vous pouvez tenter l'aventure parisienne. Ou même pas, d'ailleurs. A Marseille, par exemple y'a plein de café théâtres dans lesquels on peut jouer. Il ne faut pas hésiter à aller voir les humoristes aussi, demander à faire les premières parties...
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