Mardi 05 Novembre 2019
Agar Agar : « On ne voulait pas forcément parler d'amour parce qu'on en voit partout »
Vous vous êtes connus aux beaux-arts. Quelles étaient vos spécialités ?
Armand : Dans notre école, il n’y avait pas de spécialité. Tu arrives en 1ère année et on t’aménage une salle dans laquelle tu te fais ton bureau et tu travailles. Tu crées, mais il n’y a pas d’orientation spécifique. Après, il y a des ateliers où tu peux apprendre à faire des choses techniques, comme de la sérigraphie.
Clara : En 3e année, normalement, tu te spécialises. Mais dans notre école à Cergy, ils considéraient que ce n’était pas du tout cohérent avec une pratique artistique. Je suis assez d’accord avec ça.
Vous dites souvent que les arts vous inspirent beaucoup, à la fois dans la vie et pour composer. Est-ce qu’on retrouve des influences en particulier dans cet album ?
Clara : Pour ce projet, j’étais très inspirée par la poésie absurde. On ne voulait pas parler forcément d’amour, parce que c’est ce qu’on voit partout. On voulait écrire des images, des décors, comme des choses dont tu rêves. On s’est dit que ça pourrait être finalement aussi profond qu’une potentielle identification amoureuse. On sort de la narration classique, mais ça permet quand même de s’inventer des milliards d’histoires. Par exemple, dans la chanson où on parle d’un tapis (Sorry about the carpet, ndlr), il y a beaucoup de gens qui nous ont dit « mais en fait c’est une métaphore amoureuse, celle d’un tapis ! Un tapis où rien n’est joué, où tout se perd. » Alors pourquoi pas, mais nous on a juste pensé à un tapis en fait !
Armand : C’est comme quand tu laisses un algorithme enchaîner les mots, ou quand tu écris un texto en tapant toujours sur la suggestion qu’il te propose. Ça fabrique des phrases plus ou moins cohérentes. C’est une démarche qu’on retrouve chez les lettristes, ou dans l’écriture automatique, sauf que pour nous, c’est Clara qui choisit les mots. Ça rejoint Freud, Young, dans l’expression de l’inconscient. On ne cherche pas à communiquer avec qui que ce soit, on cherche à sortir des choses.
Clara : C’est très instinctif, finalement.
C’était comment de se retrouver isolés tous les deux pour composer l’album ?
Clara : On s’est tapé une barre en composant l’album, moi je jouais aux Sims tout le temps, et lui à Arcanum. On écoutait beaucoup de musique médiévale, on a beaucoup rigolé et ça nous a beaucoup inspiré.
Et du coup, les Sims ?
Clara : Ouais, j’ai découvert ce jeu en 5eme, et ça m’a obsédée. Je ne voyais plus le temps passer. Je suis même devenue une star sur skyblog en étant élue skyblog de la semaine ! À l’époque j’avais 3 000 commentaires par post ! Je reproduisais toutes les émissions de téléréalité de MTV en Sims : Made, Room raiders et tout. J’étais sur un Sims vénère. Mon skyblog existe toujours, d’ailleurs, c’est rrsims.skyblog.com. Et il y a 2 ou 3 ans je l’ai retéléchargé, la version 4 cette fois, et j’ai tripé. Par exemple, cette pièce où on est là, je suis capable de visualiser tous les éléments, et je pourrais les reproduire sur les Sims. C’est un architecte qui a inventé ce jeu à la base, et après il a ajouté des personnages. Après, bon, c’est con un Sims. C’est hyper limité au niveau intellectuel et de la recherche humaine, mais c’est intéressant au niveau de la prise de conscience d’un espace. Tu te rends compte des structures et de comment on peut voir objectivement les émotions de quelqu’un. Quand même, un Sims ça se résume à : pipi, bonheur, faim, fatigue. C’est très primaire et à la fois assez beau. C’est une vision de l’humain très froide et en même temps, un Sims peut mourir de tristesse.
Cet album a été composé alors que vous étiez coupés du monde. Comment l’avez-vous transposé à la scène ?
Clara : Ben justement, pas très bien (Rires). En fait on a commencé à composer des choses plus douces et plus calmes. C’était la première fois qu’on ne composait pas pour du live, et du coup il y a des sons qu’on n’a pas pu transposer sur scène.
Armand : On n’a rien transposé du tout, on a mis des choses pour le concert, et d’autres non.
Clara : Il y a des chansons de l’album qu’on ne peut pas jouer en live, parce qu’elles plombent.
Armand : Mais ceci-dit, c’était intéressant aussi de composer pour enceintes et chaînes-hifi. Ça amène une autre liberté.
Avec vous il est souvent question de chiens, sur la pochette de votre album et dans quelques-uns de vos morceaux. Pourquoi ?
Armand : C’est un truc sur lequel on s’est retrouvé, on est très « dog people ». Cet animal, c’est une technologie créée par l’humain. Il ne vit que par l’homme, n’existe que par rapport à un référent humain. Un cheval, tu peux l’apprivoiser mais si tu le mets dans une communauté de chevaux, il n’est pas trauma. Un chien c’est beau, mais aussi un peu déprimant. On devient ami avec une autre espèce vivante et on se demande ce qui se passe pour ce putain de clébar, est-ce qu’il a des angoisses ?
Clara : Je pense qu’il a des émotions similaires à l’humain, par empathie. Il ressent de la tristesse, de la colère… Comme un Sims ! (Rires) Ce qui nous a inspiré dans cet animal, c’est son instinct, et son côté empathique. Il colle bien à notre façon de faire de la musique, par l’improvisation, dans l’instinct. On avait l’impression d’être des chiens qui jouent. Milou ou Rantanplan ?
Armand : Rantanplan. Il est marrant ce personnage, il se balade, il crée des liens entre les personnages, et il est stupide. Il ne sait pas ce qu’il fout là, ni où il va, ni ce qu’il veut. Milou par contre, il est trop sérieux.
Clara : Milou est insupportable. C’est le chien fidèle, lèche-cul. Il sauve son maitre à chaque fois, il est casse couilles.
Armand : C’est vrai, il n’y a pas de Milou sans Tintin, alors que Rantanplan il a une BD qui ne parle que de lui. Chaud sur Rantanplan.
QUIZ
SI VOUS ÉTIEZ UN ANIMAL ?
C : Un singe ou un chien.
A : Les Pokémon, ça compte ? Alors Porygon.
SI VOUS ÉTIEZ UN MEUBLE ?
C : Une armoire, pleine de fringues.
A : Une lampe halogène, avec les punaises qui s’écrasent dedans.
SI VOUS ÉTIEZ UN PLAT ?
C : Un gratin dauphinois. Pour moi c’est le plat du couloir de la mort. Le truc qui va te faire le plus kiffer au monde.
A : La tortilla de ma grand-mère. Mais mon plat dans le couloir de la mort ce serait une orange, juste cueillie de l’arbre.
SI VOUS ÉTIEZ UNE ŒUVRE D’ART ?
C : Le baiser de Marc Chagall. Je ne suis pas fan de tout ce qu’il a fait, mais cette peinture m’a fait beaucoup de choses. C’est un baiser furtif, fou.
A : Beginner’s guide. C’est un jeu vidéo
SI VOUS ÉTIEZ UN INSTRUMENT ?
C : J’ai toujours voulu faire de la harpe mais mes parents ne voulaient pas, parce qu’ils trouvaient que c’était trop cher. Alors je dis ça parce que j’étais un peu frustrée.
A : L’instrument de Gaston Lagaffe ! Dès qu’il en joue, tout le monde se bouche les oreilles, ça pète des murs et tout.
Partagez cet article