Lundi 09 Mars 2020
Waly Dia : « On est programmé pour avoir des inimitiés »
Après avoir joué son spectacle pendant plus d’un an et demi à Paris, l’humoriste a entamé une tournée dans toute la France. De passage dans le Sud, il se produira notamment à Aix-en-Provence (13 mars), à La Ciotat (14 mars) et à Marseille (15 mars).
Par quelles étapes es-tu passé pour parvenir à remplir de grandes salles ?
J’ai commencé en jouant dans des bars devant seulement quelques poignés de personnes. Je me suis fait la main comme ça pour finalement participer à un concours qui s’appelait « Humour en Capitale » que j’ai eu la chance de remporter. Il se trouve que le concours était animé par Laurent Ruquier qui, dans la foulée, m’a proposé de participer à son émission On ne demande qu’à en rire. En parallèle, j’ai réussi à m’incruster aux scènes ouvertes du Jamel Comedy Club. C’est à cette occasion que l’ancien producteur de Jamel Debbouze m’a repéré et qu’il m’a proposé d’intégrer la troupe. Ces deux opportunités m’ont permis de gagner en visibilité pour ensuite fédérer une audience plus large autour de mes spectacles.
Tu joues ton spectacle depuis près de deux ans. A-t-il changé depuis le tout début ?
Complètement ! J’ai tendance à me lasser très vite et je suis incapable de répéter la même chose trop longtemps. Je réécris constamment mes vannes donc ceux qui ont vu le spectacle il y a deux ans et qui reviennent aujourd’hui ont l’impression d’en voir un nouveau.
« Je ne crois pas du tout
au vivre-ensemble »
C’est le troisième spectacle de ta carrière. Qu’est-ce qui a changé par rapport aux deux premiers ?
Disons qu’avec ce nouveau spectacle, j’ai voulu traiter en profondeur tous les sujets que j’aborde. Puisqu’on vit à une époque où tout est prétexte à la polémique – j’ai même vu quelqu’un se faire insulter sur Twitter parce qu’il avait dit qu’il aimait les concombres – j’essaie de comprendre pourquoi certains sujets sont si clivants. Ça me permet à la fois d’en rire et de dédramatiser certaines oppositions d’opinions.
Ton spectacle s’appelle « Ensemble ou rien ». Tu cherches à faire la promotion du vivre-ensemble en montant sur scène ?
C’est vrai que le titre est trompeur, mais non ! Je ne crois pas du tout au vivre-ensemble, je lui préfère le vivre-avec.
Quelle est la différence ?
Avec le vivre-ensemble, il y a une espèce d’injonction à l’amour de son prochain. Pour moi, c’est totalement illusoire. On est programmé pour avoir des modes de vie différents et des points de vue opposés, ce qui crée automatiquement des inimitiés. Vivre-avec, c’est prendre acte de ces inimitiés et accepter qu’on puisse ne pas s’aimer sans forcément se marcher dessus.
Dans tes spectacles, tu tournes souvent en dérision les clichés sur les différentes communautés. Mais est-ce que paradoxalement, rire des clichés ne contribue pas à les renforcer et à les ancrer dans l’esprit des gens ?
Sans doute, mais le fait est qu’on ne peut pas déconstruire un cliché sans en parler. C’est vrai que, quand on commence dans l’humour, l’impact sur le public est relativement faible et on peut facilement faire l’erreur de blaguer sur des clichés qui ne méritent pas d’être mis en avant. Aujourd’hui, j’essaie d’avoir une approche plus approfondie : je cherche à identifier leurs origines car les clichés ne sont que la partie émergée d’un racisme très ancré. Et je considère qu’on ne lutte pas contre le racisme avec des slogans ridicules ou en créant des associations.
« Mon premier amour
reste la scène »
Au-delà de ces questions communautaires, quels sont les autres sujets que tu abordes dans le spectacle ?
Le fil conducteur du spectacle, c’est la naissance de ma fille. Mais ça n’est pas pour autant un spectacle sur la paternité ! C’est plutôt l’occasion de poser la question : ai-je fait le bon choix en envoyant un petit être dans ce monde-là ? Il se trouve que ma fille est née pendant le mouvement « Balance ton porc » qui, pour moi, illustre parfaitement l’hypocrisie de notre société : le harcèlement sexuel n’est devenu un problème qu’après avoir touché des actrices célèbres. Quand c’était la boulangère du coin ou la chauffeuse du bus qui en était victime, personne n’en parlait…
Tu fais plusieurs dates dans le Sud dans le cadre de ta tournée. Tu arrives à adapter tes spectacles en fonction des villes où tu te produis ?
Toujours parce que je trouve que c’est hyper intéressant ! Quand j’écris mon spectacle, il faut que tout le monde puisse le comprendre. Mais quand je joue à Marseille, j’ai forcément envie de faire des vannes que seuls les Marseillais pourront comprendre. Il se passe des trucs tellement hors-du-commun dans cette ville qu’on pourrait lui consacrer un spectacle entier ! Marseille est un condensé d’humanité où l’on peut tout observer : les différentes classes sociales et les différentes communautés se côtoient dans une forme de tranquillité qui est belle à voir. J’ai déjà eu l’occasion de jouer ici, et ça fait partie des villes où j’ai ressenti le plus fort enthousiasme. J’ai hâte d’y retourner !
Ces dernières années, tu as touché à beaucoup de choses : la scène, la télévision, le cinéma… Qu’est-ce qui te plaît le plus et sur quoi tu aimerais te concentrer à l’avenir ?
C’est difficile de répondre parce que ça revient un peu à choisir entre sa mère et son père. J’ai des plaisirs différents quand j’évolue dans chacun de ces univers-là. Faire du cinéma, par exemple, c’est hyper confortable : tu peux rejouer les scènes plusieurs fois, tu peux imaginer d’autres choses en plein tournage… Malgré tout, mon amour premier reste la scène et tant que mes cordes vocales fonctionneront, je continuerai à faire rire les gens avec mes spectacles.
Propos receuillis par Yohan Cecere
Photo : Arash Khaksari
Portrait chinois
Si tu étais un sport ?
Un sport de combat. Sauf l’aïkido, parce que c’est nul. (Rires)
Si tu étais un plat ?
Une escalope milanaise. Il y a tout ce qui faut dedans : de la viande, du croustillant…
Si tu étais un bruit ?
L’alarme du premier mercredi du mois. Les gens remettent très vite leur vie en question quand ils l’entendent. (Rires)
Si tu étais une citation ?
Celle de Sun-Tzu qui disait : « Un bon général a gagné la bataille avant même de l'engager ».
Si tu étais un animal ?
Un chat. Être nourri et cajolé sans donner le moindre signe d’affection, je trouve ça très fort !
Partagez cet article