Mardi 08 Février 2022
Procès du siècle : le Mucem à la recherche du temps improductif
Chaque lundi au Mucem, jurés, pièces à conviction et témoins se réunissent pour faire le procès des excès de la société. Alors que le temps, que l'on voit filer et accélérer - jusqu’à ce qu'il soit trop tard pour la planète - était l’objet des débats du mois de janvier, l’espace s’apprête à passer à la barre au mois de février. On vous fait le récap.
En France, nous vivons en moyenne 700 000 heures. Nous vivons plus vieux et travaillons moins longtemps. Nous disposons de tout un tas d'outils qui nous font gagner un temps précieux. Pourtant, nous vivons dans une urgence permanente et avons l'impression d'être toujours débordés. Sommes-nous les victimes ou les coupables de cette accélération frénétique ?
Que disent les témoins ?
En amont de chaque rencontre, des « commissions d'enquête », ouvertes à tous sur réservation, se prêtent à des exercices rhétoriques pour préparer les témoignages qui viendront alimenter le procès. Parmi les témoins, il y a eu cet étrange duo, déterminé à prendre le contrôle des cycles : du soleil, du sommeil, menstruels, pour pouvoir produire plus, toujours plus. Il y a aussi eu cet enfant qui, terrifié par le temps qui passe, se demande pourquoi les adultes le découpe en petits morceaux pour remplir chaque instant de leur journée dans un tourbillon de métro-boulot-dodo, jusqu'à ce que la mort les séparent. Et puis, il y a eu Bertrand Russel et son Éloge de l'oisiveté. Il nous dit que notre société moderne est assez riche pour satisfaire tout le monde sans exploiter personne, et que ce n'est pas parce que notre fonctionnement est stupide qu'il faut s'entêter dans la bêtise.
Que disent les experts ?
D'un côté, Pascal Chabot, philosophe et professeur, auteur d'Avoir le temps, essai de chronosophie. De l'autre, Roland Gori, psychanalyste et professeur, auteur de La fabrique de nos servitudes. Pour Pascal Chabot, des choix s'imposent. Au temps de la nature s'ajoute celui de l'hypertemps, dicté par le numérique, si prompte à tout compter : les minutes avant la fin du téléchargement, avant la fin du film, avant le début d'un rendez-vous. Tous les temps coexistent : c'est à nous de décider de ceux que nous voulons privilégier. Car avant de rejeter l'accélération et les technologies en masse, demandons-nous quels sacrifices nous sommes prêts à faire, et si le progrès technique ne pourrait pas être au service du progrès social. Pour Roland Gori, il est urgent de réhabiliter le temps non productif et de cesser de nous organiser de manière tayloriste, ou d'accepter que la maîtrise du temps deviennent une maîtrise des gens. Après tout, les moments les plus importants d'une vie ne sont-ils pas ceux où, précisément, on ne regarde pas sa montre ?
Verdict : nous ne devons pas retrouver la maîtrise du temps, car cela reviendrait à maîtriser la mort, mais plutôt repenser une maîtrise sociale et politique du temps.
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